Le mot du Président

Dans un esprit de réjouissance, depuis vingt-deux ans, le Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde contribue à entretenir le dialogue avec le sacré à travers son légendaire forum et la mise en exergue des arts et de la musique. Quelle expression paraît d’ailleurs la mieux appropriée à la nature même du principe spirituel ?

Ce rendez-vous, déjà consacré par l’Unesco comme un évènement culturel majeur au plan international en 2001, demeure incontournable en ce XXIe siècle chargé en défis. Grâce aux rencontres et créations musicales qu’il initie, habité par un souci constant d’éclairer le patrimoine immatériel de l’humanité, il nous ramène puissamment aux valeurs humanistes : liberté, tolérance, indépendance, ouverture, curiosité.

La médina de Fès deviendra neuf jours durant, comme à l’accoutumé, le cœur battant et le creuset d’expressions artistiques, de réflexions philosophiques, d’échanges précieux susceptibles de nourrir une communauté d’esprit établie sur la reconnaissance de la différence comme richesse.

Une diversité culturelle qu’exprime on ne peut mieux le Royaume du Maroc qui, des confins sahariens aux rivages de l’Atlantique et de la Méditerranée en passant par les montagnes de l’Atlas, est le témoin actif d’un foisonnement humain, linguistique, artisanal et artistique. Un héritage bel et bien vivant puisant sa raison d’être dans des écosystèmes contrastés qu’il nous revient de préserver.

 

Cette 23e édition sera ainsi placée sous le signe de l’eau, entendue comme source de vie et d’inspiration irriguant tour à tour le corps et l’âme.

Tout sauf anodin, ce choix répond à la nécessité de sensibiliser le plus grand nombre aux problématiques écologiques qui travaillent la planète et dont dépend le sort même de l’humanité. Souvenons nous que la COP22, ayant eu lieu à Marrakech du 7 au 18 novembre 2016, a mis l’emphase sur l’eau comme enjeu primordial, certains chercheurs affirmant que les écosystèmes pourraient connaître un effondrement total et irréversible d’ici 2100.

Explorer le symbolisme de l’eau au fil du festival est ainsi une exhortation à nous réconcilier avec l’environnement et nous mobiliser pour l’avenir de nos enfants et du monde. L’eau, symbole de purification dans le sacré universel et dans la poésie mystique, est en soi une invitation au respect de notre terre nourricière.

Et puis il faut nous remémorer l’histoire même de Fès, première capitale du Maroc. L’emplacement de la cité avait été choisi par Moulay Idriss et son compagnon Ameir pour l’abondance de ses sources. Édifié par les Maalems bâtisseurs, la médina abrite un système hydraulique fascinant de savoir-faire et d’ingéniosité dont le résident ou le voyageur peuvent observer la face la plus apparente. Il reçoit l’eau dans un contexte architectural et artistique sublimant sa valeur : les milliers de fontaines, le plus souvent décorées en zellige, au-delà de leur caractère vital, incarnent vertus spirituelles et héritage culturel mêlés.

 

Après l’Hommage à l’Inde initié en 2016, cette édition mettra à l’honneur la Chine qui présentera officiellement quelques-unes de ses grandes expressions millénaires.

C’est d’ailleurs là où réside la véritable force du festival de Fès : participer à la transmission à travers le temps. En un mot « savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va », car une société privée de la connaissance de son passé voit ses fondements sapés.

Enfin, une magnifique création marquera l’ouverture. Elle consistera en un voyage poétique qui, partant des fontaines de Fès, ces chefs-d’œuvre d’où jaillit l’eau, nous guidera vers la source au cœur des montagnes et nous fera cheminer jusqu’à l’océan, évoquant au passage de multiples légendes. L’eau qui donne la vie peut aussi la reprendre, du déluge des temps mythologiques aux grandes inondations que connaît notre planète aujourd’hui.

 

Abderrafih Zouitene

Président de la Fondation Esprit de Fès et du Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde