Une évocation somptueuse de la kora, la harpe royale de l’empire mandingue par des jeunes musiciens de Bamako sous la direction de Ballaké Sissoko.
« Ö roi, le monde est plein de mystère, tout est caché, on ne connaît que ce que l’on voit. L’arbre fromager sort d’un grain minuscule, celui qui défie les tempêtes ne pèse dans son germe pas plus qu’un grain de riz ; les royaumes sont comme les arbres, les uns seront fromagers, les autres resteront nains et le fromager puissant les couvrira de son ombre. »
Extrait de l’épopée de Soundiata
Cet ensemble de six koras, placé sous la direction du maître Ballaké Sissoko et né suite à une initiative du festival dans le cadre du spectacle d’ouverture « Sur les traces de Léon l’Africain » en 2015, réunit l’expérience et la jeunesse du renouveau et la vivacité pétillante de centaines de cordes prêtes à vibrer pour une toute première fois !
Constitué à l’occasion du spectacle d’ouverture du Festival des Musiques Sacrées de Fès avec la collaboration artistique de Caroline Bourgine, le Ballaké Orkestra rassemble des koristes issus essentiellement de l’Institut National des Arts de Bamako, sous la bienveillance pédagogique de Dialy Mady Cissoko.
Le répertoire inspiré de la geste mandingue propose de nombreuses combinaisons : cordes à l’unissons, en duo ou en solo, fédératrices de l’inépuisable richesse des mélodies maliennes comme autant de terres irriguées par le fleuve Niger.
Les voix des chanteurs à l’expérience et la fraîcheur entremêlées font entendre les variations des airs célèbres : Odibadiourou, Koulandjam, Nianimandzougou, Amadidjo ou encore N’todamana. Hymnes à la paix, à la splendeur du fleuve, faits de gloire mais aussi douceurs vibrantes, rappellent toute la synthèse élaborée par Ballaké Sissoko lorsqu’il intégra dès l’âge de 13 ans l’Orchestra National du Mali.
Dans la foulée des innovations de son père Djelimady Sissoko, disparu prématurément, directeur fondateur de l’ONM, Ballaké est rodé à la tradition la plus exigeante, il n’a pas hésité à faire valoir son art avec d’autres traditions musicales venues de l’Inde, de l’Iran, de Chine, de France, du Maroc, de Madagascar ou plus près encore, du Wassoulou !
Ballaké Orkestra, voulu comme une nouvelle arborescence de la musique mandingue est une proposition à même d’élargir le vaste spectre de la kora du XXIème : tout entière dédiée à son art, à l’écoute de l’autre et à l’universel de son langage.
La kora, harpe-luth mandingue (Sénégal, Mali, Gambie, Guinée, Sierra Leone…) est liée à l’épopée du royaume mandingue de Soundiata qui relate la fondation de l’Empire du Mali par ce grand roi au XIIe siècle. Peuplée de personnages surnaturels, ce poème épique nous rappelle le rôle des griots, poètes généalogiques, dont le savoir est lié à l’idée de révélation et de don transmis par le monde invisible.
La légende rapporte que la première kora était jouée par des djinns (esprits surnaturels). Un jour, le grand roi Soundiata se promenait le long d’un fleuve en compagnie de son ami Balafacé-Kouyaté lorsqu’il entendit pour la première fois cet instrument. Il s’aventura dans les eaux du fleuve et l’arracha des mains du Génie musicien. Une fois revenu sur la berge, Soundiata fit résonner la kora puis, ravi, la tendit à son ami qui en joua à son tour. “C’est encore plus agréable de l’entendre que d’en jouer”, s’exclama Soundiata. “Dorénavant tu joueras pour moi.” C’est ainsi que Balafacé-Kouyaté devint l’ancêtre des griots, poètes, historiens et conteurs qui firent entendre la kora à la cour des empereurs mandingues et transmirent jusqu’à ce jour la mémoire, les batailles et les rêves de leur peuple.
La première référence historique en Occident de cette harpe africaine remonte en 1799 dans le livre du voyageur écossais Mungo Park « Travels in Interior Districts of Africa» . Il semblerait que d’après la tradition mandingue cet instrument soit lié au Djéli (griot) Mady Fouling Cissoko, après la fondation du royaume mandingue de Kaabu (actuelle Guinée) au XVI° siècle. Malgré cette origine, d’une certaine manière récente, on ne peut s’empêcher de penser aux anciennes lyres des régions nilotiques de l’ancienne Égypte.