Oh les yeux clairs et lointains des matelots, les yeux d’eau salée des Bretons, les yeux d’eau de source des Celtes ! Des yeux où il y a des ciels, de grandes étendues, des aubes et des crépuscules longuement contemplés sur des immensités d’eaux, de roches ou de plaines ; des yeux où sont entrés et où sont restés tant et tant d’horizons !
Monsieur de Phocas – Jean Lorrain
La Galice, appelée « le pays du bout du monde » par les Romains, a été peuplée du VIIIe au IIIe siècle avant J.C. par les Celtes. Rien d’étonnant donc à ce que Carlos Núñez et Alan Stivell, lorsqu’ils se baladent sur ces plages, réalisent à quel point leur fraternité est immémoriale : mêmes légendes, mêmes villes enfouies, mêmes ports d’où l’on embarque pour l’au-delà, mêmes lavandières de la nuit…la Bretagne, cet autre Finistère, Carlos Núñez l’appelle d’ailleurs « sa seconde maison ».
A la fois prince de Galice et roi des Celtes, flûtiste virtuose et sonneur prodige -surnommé le “Jimi Hendrix de la gaïta”- Carlos Núñez réhabilite, après l’ignorance franquiste, la richesse de l’identité musicale de son pays : flamenco, chant ancien de Galice et musique andalouse du Maghreb, tous trois ont une racine commune. Véritable ambassadeur musical et alchimiste pionnier, il assume la relève de l’interceltisme et explore dans un voyage initiatique, au cœur des traditions de l’oralité, des connexions insoupçonnées. Mexique, Cuba, Argentine, Pays Basque…se retrouvent liés au destin de l’histoire des Celtes.
A l’instar des peuples, l’instrument fétiche, la cornemuse a, elle aussi, voyagé, depuis la péninsule ibérique, essaimé, au gré des invasions ou des expansions : la gaita fut le premier instrument importé au Brésil au XVIe siècle. « L’avenir des musiques celtiques se trouve aux Amériques », prédit Carlos Núñez, affichant l’utopie celtique qu’il a créée dans l’imaginaire universel. Dans ce voyage au long cours, il s’entoure de compagnons d’armes tels que The Chieftains, Sharon Shannon, Bob Dylan, Jordi Savall, Vicente Amigo, Luz Casal ou encore le Buena Vista Social Club.
Tandis que ses doigts se déplacent à une allure vertigineuse sur le bois de sa cornemuse, une joie délirante, effervescente, galvanise et emplit les poumons de l’air de la frénésie, conduit sur les crêtes de l’exaltation, exhale le souffle d’une libération universelle et propulse les traditions pastorales de Galice et de ses homologues Celtes dans une dimension mystique, intuitive et profondément enivrante.