Editorial

fes_festival_alain_weberIl y eut un temps où les joyaux de la connaissance étaient volontiers attribués à l’audace et à la clairvoyance féminines. Femmes de l’Orient à l’héritage ancestral, bâtisseuses aux pouvoirs d’imagination, poétesses et musiciennes visionnaires – toutes nous font voyager dans un monde que sacralisent l’intelligence et la grâce.

Le programme proposé pour cette 22e édition se veut ainsi le reflet des différentes facettes du monde féminin au cœur de la musique et des arts. Chacune de nos invitées se fait l’écho de la notion de savoir symbolisée par Fatima El Fihriya, autrement nommée Oum El Banine, à l’origine de la construction de la mosquée et de l’université el-Qaraouiyyîne de Fès. La force, la sensibilité et la créativité s’y affirment comme les piliers fondateurs d’une diversité musicale constitutive d’un patrimoine culturel encore riche. Aux quatre points cardinaux, celui-ci n’aurait existé sans ces artistes femmes passeuses de conscience et d’émotions, déterminées à faire circuler l’âme intime autant qu’universelle de leur communauté. Aujourd’hui, des voix nouvelles continuent de s’élever ; une jeune génération transmet l’héritage des aînées, mères des montagnes ou muses des déserts.

Venues du monde arabe, de l’Asie lointaine, du Brésil, de l’Afrique, du continent indien, de l’Europe et bien sûr du Royaume du Maroc, ces femmes forment les grains d’un chapelet qui, pour reprendre le sens du chapelet (selsela) dans le soufisme, figure la transmission, aujourd’hui gage de renouveau et pôle de résistance contre une globalisation désincarnée.

 

Créations

Cette édition s’annonce riche en créations. Le spectacle d’ouverture en sera bien sûr la première pierre, conformément à une tradition désormais bien établie à Fès ! Ainsi dédié au thème des astres féminins, Un ciel plein d’étoiles (vendredi 6 mai) se veut un hommage exceptionnel aux femmes mythiques de l’Orient et du Maroc dont les histoires nous seront contées par Shéhérazade. Chacune sera incarnée par une artiste rare. Mapping, projections audiovisuelles et grand orchestre accompagneront cette traversée dans le temps et l’imaginaire.

Trois autres créations, Durbar, The King of Ghosts et Istanbul < > Fès, seront initiées, érigeant Fès comme une terre où héritage et devenir sont intimement liés.

 

Hommage à l’Inde

Chaque édition mettra dorénavant en valeur un pays particulier. Cette année, l’Inde, dont de nombreux contes des Mille et Une Nuits sont d’ailleurs originaires, présentera son génie créatif. Les fastes des cours des palais des maharajahs et nababs d’antan auront permis l’émergence et la continuation d’une tradition et d’un savoir uniques ; ils nous seront donnés à découvrir lors d’une joute musicale, Durbar, présentée sur la majestueuse scène de Bab Makina (samedi 7 mai).

Une Nuit de la Médina (lundi 9 mai) spécialement consacrée à l’art du raga parachèvera cette immersion. Nous y vivrons la réalité virtuose et contemplative de la musique dite classique à l’occasion de ces salons de musique où l’ordre cosmique était autant imité que défié par le geste musical.

Ce périple nocturne connaîtra son point d’orgue avec le projet The King of Ghosts (lundi 9 mai). Unissant une équipe artistique indo-britannique et un orchestre marocain, ce ciné-concert fait renaître au fil d’une partition originale un petit bijou du plus grand des cinéastes indiens, Satyajit Ray. Soumik Datta, virtuose du luth sarod, y personnifiera par son jeu détonnant Goopy et Bagha, héros aux aventures rocambolesques.

Enfin, du 9 au 12 mai, de jeunes prodiges des castes manghaniyars et langas, poètes et chanteurs du désert du Rajasthan rassemblés dans l’ensemble Chota Divana, présenteront un art vocal d’une rare beauté aux enfants des écoles de Fès. Ce projet sera accompagné d’un film inédit sur le sujet réalisé par Aurélie Chauleur : Les petits Princes du Rajasthan. Cette initiative unique constituera une illustration de ce que le partage culturel peut signifier.

 

Promenades, ateliers et performances

Autre nouveauté 2016 : le festival déploiera son aura jusqu’au cœur de la médina ; son rayonnement s’étendra au-delà de ses lieux « traditionnels ». Ainsi, le magnifique jardin Jnan Sbil, récemment rénové, accueillera les concerts de 16h30 ainsi que le forum, créant un nouvel axe reliant la médina, Bab Al Makina et la Place Boujloud. Marionnettes géantes de l’Afrique sillonnant les ruelles de Fès et un parcours musical initiatique à la découverte des fontaines de la médina et de la bibliothèque de l’Université el-Qaraouiyyîne d’après une idée de l’architecte Aziza Chaoui et de l’artiste Susie Ibarra, et une CARAVANE CULTURELLE POUR LA PAIX nommée TARAGALTE résonneront par leur démarche nomade avec la beauté urbaine et architecturale de la cité.

 

Alain Weber, directeur artistique Festival des Musiques Sacrées