La confrérie Aïssawa est issue de la tradition soufie et tient son nom de son fondateur Mohamed Ben Aïssa, appelé aussi cheikh al-Kamel (le maître parfait). Connue pour sa conception spirituelle et thérapeutique de la musique, cette confrérie se compose de nombreuses communautés, ou ta'ifa, dirigées chacune par un guide, le moqqadem. Hadj Saïd Berrada, maître reconnu au Maroc, est celui de la ta'ifa des Aïssawa de Fès. C'est lui qui conduit le chant lors du cérémonial de la hadra, danse extatique collective qui nous est représentée. Cette expérience musicale dévotionnelle permet aux musiciens, chanteurs et danseurs du groupe de se libérer d'un esprit animal qui habite leurs corps. Le rituel de transe, sorte de pacte entre l'habité (meskûn) et l'esprit-habitant (sâken), doit conduire les adeptes de la souffrance à la délivrance. Durant son déroulement, le sâken est libre de s'exprimer à travers le corps du meskûn.
La hadra se déroule en trois étapes. Dans un premier temps, sans aucun accompagnement instrumental, les Aïssawa, assis en cercle, scandent des chants sacrés sur un rythme incantatoire. Après la récitation du hizb (prière), des invocations sont chantées par un soliste auquel répond le choeur des adeptes. Ces chants sont discrètement accompagnés par des percussions frappées avec des baguettes : tabla (tambour en poterie), tasa (coupe en cuivre renversée). Sur indication du moqqadem, le horm (chant d'imploration) est ensuite entonné. Les participants se mettent debout en rang et se balancent doucement après avoir revêtu une épaisse tunique de laine, la handira. Le mouvement, de plus en plus ample et intense, les entraîne peu à peu vers la danse. Puis ghayta (hautbois) et percussions plus soutenues se mêlent aux voix, provoquant la transe (hadra). Lors de la hadra, la danse atteint son paroxysme ; les adeptes en extase sont dépossédés de leur corps et l'esprit-habitant peut se manifester : lorsque, à la fin de l'effort, ils tombent à terre, cela signifie que celui-ci s'est exprimé. Une chute pendant la transe signifierait que le sâken n'est pas satisfait du rythme joué et qu'il en souhaite un autre.