Editorial: « Fès au miroir de l’Afrique »
Dans son histoire aussi bien ancienne (Moyen-Âge) que moderne et contemporaine, Fès est un carrefour de savoir politique, religieux, scientifique, ainsi que d’un savoir-faire commercial qui plonge ses racines aussi bien dans l’Andalousie médiévale que dans l’Afrique subsaharienne.
La fondation « Esprit de Fès » consacre son forum cette année aux relations de Fès et de son sud africain. Deux figures incarnent ces liens : Hassan Al Wazzan dit « Léon l’Africain », grand savant et diplomate du début du XVIe siècle, et Sidi Ahmed Al Tijani, au début du XIXe siècle, fondateur de l’ordre confrérique qui porte son nom. Fès fut non seulement leur ville d’origine mais aussi celle de leur rayonnement.
Pour ces figures comme pour tant d’autres, Fès fut un passage obligé pour les savants et les commerçants arpentant l’Afrique du Nord et de l’Ouest. Les coursiers du savoir ainsi que ceux qui se sont engagés dans les routes commerciales de Fès à Tombouctou ou à Dakar se sont non seulement croisés, mais furent parfois les mêmes. Fès l’andalouse est tout aussi africaine.
Aujourd’hui encore, toute analyse de la situation de savoir et spiritualité en Afrique ; et dont Fès fut longtemps une des dépositaires, suppose la prise en compte du pluralisme linguistique des nations d’Afrique. Ce pluralisme est l’incarnation d’une histoire peu archivée, transmise par des textes conservés dans des zaouias, les sanctuaires de saints, mais aussi véhiculée oralement selon une pensée nomade qu’il convient d’interroger. Socle d’une humanité multiséculaire avec ses trésors diversifiés, l’Afrique est tout aussi bien le continent de la jeunesse.
Les langues selon la voix, les musiques selon les instruments ou vocaux ou techniques sont une richesse que le festival de Fès de cette année compte célébrer. Du Sama’ (invocation religieuse) au Gospel, il y a un grand air de famille.
Les pays africains affrontent de nombreux défis : Les questions d’éducation et de santé sont à la base de leur réel développement. Elles se rapportent à la prévention, la vaccination, l’accès à l’eau, l’assainissement, l’éducation à l’hygiène, le planning familial, les soins primaires, la pénurie des soignants, l’accès aux médicaments, la disponibilité de l’information sanitaire. Le forum de Fès est le moment pour que notre monde prenne le temps de se mettre au « miroir de l’Afrique ».
Le Maroc, déjà, a fait de son destin un destin résolument africain. Le forum de Fès ainsi que son festival s’inscrivent dans ce sillage.
Ali Benmakhlouf
Directeur général Forum de Fès